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La CPI dentaire rend des décisions aberrantes pour masquer l’impact du Code pénal social

11 juillet, 2012 by Dr R. BOURGUIGNON

Securimed passe systématiquement au crible toute la jurisprudence des juridictions administratives de l’INAMI, et ce tant en français qu’en néerlandais.

Ce recueil de jurisprudence online est voulu par la loi SSI (article 157, §3) :

§ 3. Les décisions [définitives] du fonctionnaire-dirigeant ou du fonctionnaire désigné par lui, des Chambres de première instance et des Chambres de recours, sauf les mesures disciplinaires visées à l’article 155, sont publiées de manière anonyme à l’adresse internet de l’INAMI.

Il vient de publier une décision rendue par la CPI dentaire francophone — en apparence banale, mais qui n’a pas échappé à Securimed.

En effet, par un véritable tour de passe-passe juridictionnel, un dentiste a échappé à toute sanction.

Nous rappelons d’abord le cadre législatif applicable, puis citons et commentons la décision de la CPI.

I.  RAPPEL DE LA LEGISLATION APPLICABLE :

A. Faits antérieurs au 15 mai 2007

L’ancien art. 141 §7 dispose :

Les amendes administratives doivent être prononcées par le Comité dans les trois ans à compter du jour où le manquement a été constaté.

B. Faits postérieurs au 14 mai 2007

L’article 142, § 3 (nouveau) de la loi SSI dispose :

§ 3. A peine de forclusion :

[M – Loi (div) (I) 27-12-06 – M.B. 28-12 – éd. 3 – art. 256](°°)

1° les contestations mentionnées à l’article 73bis, 8°, doivent être tranchées par le fonctionnaire-dirigeant ou le fonctionnaire désigné par lui, dans les deux ans suivant la décision définitive mentionnée à l’article 142, § 1er, 4°, 5 et 6°;

[M – Loi (div) (I) 27-12-06 – M.B. 28-12 – éd. 3 – art. 256 ](°°°)

2° les contestations mentionnées à l’article 73bis, 1°, 2°, 3° et 7°, qui relèvent de sa compétence doivent être tranchées par le fonctionnaire-dirigeant ou le fonctionnaire désigné par lui, dans les deux ans suivant la date du procès-verbal;

[M – Loi (div) (I) 27-12-06 – M.B. 28-12 – éd. 3 – art. 256](°°°°)

3° les contestations mentionnées à l’article 73bis qui sont de la compétence des Chambres de première instance conformément à l’article 144, § 2, 1°, doivent être introduites auprès de ces Chambres dans les trois ans suivant la date du procès-verbal.

Les délais susvisés sont suspendus pendant le cours de toute procédure civile, pénale ou disciplinaire dans laquelle le dispensateur est partie lorsque l’issue de cette procédure peut être déterminante pour l’examen de l’affaire par le fonctionnaire-dirigeant ou la Chambre de première instance. (°°°°°)

Le jugement des contestations avec les dispensateurs de soins visées à l’article 73bis est de la compétence exclusive des organes visés aux articles 143 et 144.

(°) d’application à partir du 15-5-2007 (A.R. 11-5-07 – M.B. 1-6 – art. 1)
(°°) d’application à partir du 15-5-2007 (A.R. 11-5-07 – M.B. 1-6 – art. 1)
(°°°) d’application à partir du 15-5-2007 (A.R. 11-5-07 – M.B. 1-6 – art. 1)
(°°°°) d’application à partir du 15-5-2007 (A.R. 11-5-07 – M.B. 1-6 – art. 1)
(°°°°°) [Cet alinéa doit être interprété comme suit : Les délais susvisés ne s’appliquent qu’aux infractions commises à partir du 15 mai 2007 et sont suspendus pendant le cours de toute procédure civile, pénale ou disciplinaire à laquelle le dispensateur est partie lorsque l’issue de cette procédure peut être déterminante pour l’examen de l’affaire par le fonctionnaire-dirigeant ou la Chambre de première instance. (Loi 19-12-08 – M.B. 31-12 – éd. 3 – art. 38)]

C. Conclusion

Il faut donc constater que, dès lors que la CPI est saisie endéans les trois ans de l’établissement du PVC, il n’existe plus aucune limite dans le temps* pour l’application d’amendes administratives relatives à des faits postérieurs au 15 mai 2007.

La seule limite dans le temps serait la notion de dépassement du délai raisonnable**, laquelle ne s’applique en outre qu’aux amendes, c’est-à-dire à la sanction (mais pas à la récupération de l’indu).

Il est à noter que le SECM « éclate » tous ses PVC en deux : un premier PVC porte sur les prestations antérieures au 15 mai 2007 et le second concerne celles qui sont postérieures à cette date.

II.  DECISION DE LA CPI DENTAIRE FRANCOPHONE DU 29 MARS 2012 DANS L’AFFAIRE PORTANT LE NUMERO DE ROLE FA-009-11

Cette très longue décision compte douze pages non numérotées dans la version publiée sur le site de l’INAMI.

Le dentiste se défend seul, sans conseil.

Les faits infractionnels s’étalent du 7 octobre 2006 au 25 avril 2008 : on est donc à cheval sur la date fatidique du 15 mai 2007.

Les PVC datent du 12 décembre 2008 et du 5 février 2009 : ils sont donc certainement établis dans le délai légal des deux ans à compter de l’introduction après le 15 mai 2007 et du payement par les OA avant cette date.

L’indu total est de 25.541,71 euros : la CPI est manifestement compétente.

La CPI a été saisie par requête du SECM le 28 février 2011 : on est donc largement en deçà du délai de forclusion qui n’aurait été atteint qu’en décembre 2011.

L’audience a eu lieu le 1er décembre 2011, mais la CPI a décidé le 16 décembre de rouvrir les débats*** et de fixer une nouvelle audience au 12 janvier 2012.

Or, que décide finalement la CPI ?

Dans un très long texte — en apparence très travaillé, mais comportant en réalité de nombreux « copier-coller » d’autres décisions, parfois assez peu pertinents — elle écrit en page 8 :

Pour les faits commis avant le 15 mai 2007, c’est dans les trois ans à compter du jour où le manquement a été constaté qu’une amende administrative doit être prononcée (art. 141, §7, al.1, de la loi coordonnée le 14 juillet 1994, dans sa version applicable à l’époque des faits).

Ce qui précède est exact, mais la CPI continue, page 9 :

Pour les faits commis dès le 15 mai 2007, une amende administrative doit être prononcée également dans les trois ans à compter du jour où le manquement a été constaté (art. 142, §3, 3°, de la loi coordonnée le 14 juillet 1994).

Ce qui est totalement inexact (voir ci-dessus : Rappel de la législation applicable, point B).

Et en page 10 :

Cela étant, les manquements mis à charge de Monsieur A sont constatés dans les procès-verbaux dressés en date du 12 décembre 2008 et du 5 février 2009, soit il y a plus de trois ans.

Aucune amende administrative ne peut en conséquence être infligée à Monsieur A, eu égard à la prescription.

On voit donc que la CPI a non seulement mal interprété l’art. 142, §3, 3° en ce qu’il concerne le délai d’introduction (la saisine) et non celui de la décision elle-même, mais qu’en outre elle a procédé à une réouverture des débats pour situer la seconde audience après l’expiration du délai de trois ans à compter de l’établissement du procès-verbal de constat.

Seules les décisions définitives étant publiées, il faut en déduire que le SECM n’a pas relevé appel d’une décision aussi aberrante, exonérant un dentiste de toute amende alors qu’aucun délai de prescription pour ce faire n’était atteint, sauf en ce qui concerne les faits antérieurs au 15 mai 2007.

Quelles pouvaient être les motivations de cette juridiction présidée par un magistrat**** ?

A moins de songer que le dentiste en question était un privilégié du système, la raison qui saute aux yeux est l’interférence du Code pénal social (CPS) et de la « gaffe législative » abolissant les amendes calculées sous forme de pourcentages de l’indu — jusqu’à 200% — pour les remplacer par de simples forfaits… nettement moins élevés.

Nous renvoyons à cet égard à nos nombreux articles traitant de ce sujet, et notamment notre News du 27 mars 2012 intitulée Code pénal social : la “gaffe législative” réparée par la loi du 15.2.2012

La CPI aurait alors — avec l’aval du SECM qui n’a pas relevé appel — préféré s’abstenir de prononcer une amende minime tout en noyant le poisson dans un interminable texte aux attendus partiellement erronés.

Il semblerait que le comportement de la CPI dans cette affaire ne soit pas isolé — nous avons plusieurs affaires de cette nature en cours — et que les réouvertures de débats suivies de prononcés sans cesse différés et autres techniques de procrastination soient nombreux.

C’est inquiétant du point de vue de l’indépendance de ces juridictions, même si c’est heureux pour les dentistes concernés*****…
______________
* Bon nombre d’affaires datant du début des années 2000 se plaident encore maintenant…
** Il faut vraiment longtemps… une dizaine d’années environ.
*** On verra plus loin pourquoi…
**** Magistrat minoritaire dans le cas de la CPI, car ses quatre assesseurs ont voix délibérative.
***** Autre bizarrerie dans cette affaire décidément fort singulière : la CPI dit pour droit que l’infraction est établie à raison d’un indu de plus de cinquante-quatre mille euros, mais condamne le dentiste à rembourser seulement… vingt-cinq mille euros (page 12 de la décision) !

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