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Les juridictions de l’INAMI sont-elles dessaisies par le Code pénal social ?

20 janvier, 2012 by Dr R. BOURGUIGNON

On sait que le Code pénal social (CPS) est entré en vigueur le 1er juillet 2011… parce que la loi qui le crée a prévu cette dernière date à défaut d’une date antérieure, décidée par le gouvernement. Or, il n’y avait pas de gouvernement belge de plein exercice à cette époque !

Mais là n’est pas la question : le Code pénal social contient l’ensemble des dispositions pénales relatives au droit social. Et le droit social recouvre le droit du travail, le droit de la Sécurité sociale – dont la loi SSI -, etc.

C’est bien là le problème : les articles 170 à 173 de la loi SSI sont abrogés par le CPS, l’article 163 est modifié et surtout l’article 169 est remplacé comme suit :

Art. 169. [M – Loi 24-12-99 – M.B. 31-12 – éd. 3; M – Loi 19-12-08 – M.B. 31-12 – éd. 3 – art. 44; M – Loi(div)(1) 19-5-10 – M.B. 2-6 – éd. 2 – art. 22; R – Loi 6-6-10 – M.B. 1-7 – éd. 1 – art. 79](°)

[Les infractions aux dispositions de la présente loi et de ses arrêtés d’exécution sont recherchées, constatées et sanctionnées conformément au Code pénal social.

Les inspecteurs sociaux disposent des pouvoirs visés aux articles 23 à 39 du Code pénal social lorsqu’ils agissent d’initiative ou sur demande dans le cadre de leur mission d’information, de conseil et de surveillance relative au respect des dispositions de la présente loi et de ses arrêtés d’exécution.]

Or, le Code pénal social dispose en son article 225, applicable aux « praticiens de l’art de guérir » :

Art. 225. Les obligations des praticiens de l’art de guérir

Sont punis d’une sanction de niveau 2 :

1° les praticiens de l’art de guérir, les kinésithérapeutes, les praticiens de l’art infirmier, les auxiliaires paramédicaux, les gestionnaires de maisons de repos pour personnes âgées et les gestionnaires des établissements de soins qui refusent de remettre aux bénéficiaires les documents prescrits par la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994 et ses arrêtés et règlements d’exécution;

2° les médecins, les praticiens de l’art dentaire, les accoucheuses, les kinésithérapeutes, les praticiens de l’art infirmier, les auxiliaires paramédicaux et les gestionnaires des établissements de soins qui ne respectent pas les honoraires et les prix fixés en application de l’article 52 de la loi du 14 février 1961 d’expansion économique, de progrès social et de redressement financier;

3° les praticiens de l’art de guérir, les kinésithérapeutes, les praticiens de l’art infirmier et les auxiliaires paramédicaux qui délivrent une attestation de soins alors qu’il n’est pas satisfait aux dispositions de la loi précitée du 14 juillet 1994 et de ses arrêtés et règlements d’exécution.

La sanction de niveau 2 est définie à l’article 101 du CPS :

Art. 101. Les niveaux de sanction

Les infractions visées au Livre 2 sont punies d’une sanction de niveau 1, de niveau 2, de niveau 3 ou de niveau 4.

La sanction de niveau 1 est constituée d’une amende administrative de 10 à 100 euros.

La sanction de niveau 2 est constituée soit d’une amende pénale de 50 à 500 euros, soit d’une amende administrative de 25 à 250 euros.

Et si les amendes pénales sont infligées par les juridictions répressives, c’est l’Auditorat du travail – et non les juridictions de l’INAMI – qui propose les amendes administratives transactionnelles.

Quant à la récupération de l’indu, elle n’existe tout simplement pas dans le CPS…

Nous allons tenter de cerner la problématique causée par cette « gaffe législative » – car elle est vaste – à l’aide : A. d’une question parlementaire, B. d’une proposition de loi de réparation (et non un projet de loi, car le gouvernement était en affaires courantes) et C. d’une décision récente de la Chambre de recours de l’INAMI.

A. QUESTION PARLEMENTAIRE*

Le Code pénal social, paru au Moniteur belge du 1er juillet 2010, est entré en vigueur un an plus tard, le 1er juillet 2011.

Depuis l’entrée en vigueur du Code, les dispensateurs de soins (et assimilés) ayant commis une infraction dans le cadre de l’assurance obligatoire soins de santé ne peuvent plus se voir infliger les sanctions spécifiques de la loi relative à l’Institut national d’assurance maladie-invalidité. Ils peuvent uniquement faire l’objet de la sanction fixée par le Code pénal social, à savoir une amende de maximum 500 euros (sanction de niveau 4).

Le gouvernement en affaires courantes a essayé de corriger cette erreur par le biais du projet de loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, et du Code pénal social. Malheureusement, l’INAMI a entre-temps été confronté au principe général de droit selon lequel des peines plus lourdes ne peuvent pas être infligées avec effet rétroactif.

Mes questions au ministre sont les suivantes.

1. Combien de dossiers à charge de dispensateurs de soins (et assimilés) sont-ils actuellement en cours (l’enquête est terminée mais aucune sanction n’a encore été prononcée) auprès des services de l’INAMI (pour mémoire il s’agit de dossiers dans le cadre des articles 73, 73bis, 138 à 140, 142 à 146bis, 150, 156, 157, 164 et 174 de la loi du 14 juillet 1994) ?

2. L’INAMI prononce-t-il encore actuellement des sanctions à charge des dispensateurs de soins (et assimilés) ?

3. Les dossiers pendants ont-ils été transmis par l’INAMI aux auditeurs du travail compétents en vue de l’application de la sanction de niveau 4 du Code pénal social ?

4. Les récupérations à l’égard des dispensateurs de soins concernés (et assimilés) sont-elles également compromises ?

5. La ministre peut-elle donner une estimation du manque à gagner de l’État résultant de cette erreur législative ?

B. PROPOSITION DE LOI DE REPARATION**

DÉVELOPPEMENTS

MESDAMES, MESSIEURS,

La présente proposition de loi vise à supprimer un recoupement partiel au niveau des infractions et des personnes visées à l’article 225, 3° du Code pénal social et à l’article 169 de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités coordonnée le 14 juillet 1994. Les “lois santé 2006 et 2008” ont mis en place un système spécifique de règlement des litiges entre les dispensateurs de soins et le Service d’évaluation et de contrôle médicaux de l’INAMI (SECM). Ce système a été implicitement supprimé lors de l’introduction du Code pénal social, alors que ce n’était pas l’intention du législateur. Nous souhaitons y remédier.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Art. 2

La loi du 6 juin 2010 introduisant le Code pénal social (Moniteur belge du 1er juillet 2010) est entrée en vigueur le 1er juillet 2011.

Cette loi a toutefois des effets totalement inattendus, et sans aucun doute, non voulus par le législateur.

Par les “lois santé 2006 et 2008”, modifiant la loi du 14 juillet 1994, le législateur a mis en place un système spécifique de règlement des litiges entre les dispensateurs de soins et le Service d’évaluation et de contrôle médicaux de l’INAMI (SECM).

L’ article 79 des dispositions modificatives de la loi du 6 juin 2010 introduisant le Code pénal social (Moniteur belge, 1er juillet 2010, spécialement p. 43786), a modifié l’article 169 de la loi ASSI coordonnée le 14 juillet 1994.

Selon cet article 169 de la loi ASSI coordonnée le 14 juillet 1994, tel que modifié par l’article 79 précité,les infractions à la loi ASSI et à ses arrêtés d’exécution, sont recherchées et constatées par les inspecteurs du SECM dans le chef des dispensateurs de soins, et les litiges consécutifs avec lesdits dispensateurs de soins subiraient le même sort que les infractions classifiées dans le Code pénal social.

Le système mis en place par les lois sur la santé de 2006 et 2008, prévoyant des mesures spécifiques et des procédures garantissant le droit à un procès équitable devant les instances et juridictions administratives spécialement mises en place (fonctionnaire dirigeant, Chambre de première instance, Chambre de recours et recours en cassation administrative devant le Conseil d’État), dans le cadre duquel l’appréciation des aspects médicaux est essentielle, serait supprimé d’un seul trait.

Ceci n’a manifestement jamais été l’intention du législateur.

Seules la recherche et la constatation des infractions devraient dès lors désormais être soumises aux dispositions du Code pénal social dans la mesure où celui-ci abroge la loi du 16 novembre 1972 sur l’inspection sociale qui servait de base légale aux missions des inspecteurs du SECM.

Il doit en aller autrement pour ce qui concerne les sanctions applicables.

En effet, les infractions spécifiques prévues par “les lois santé de 2006 et 2008” ne peuvent pas être en même temps sanctionnées par les mesures prévues par ces lois (récupération d’indu et amendes administratives) et par les sanctions (amendes pénales et administratives) prévues par le Code pénal social.

Dans le cas contraire, il pourrait y avoir violation de la jurisprudence, notamment de la Cour européenne des droits de l’homme, consacrant le principe “non bis in idem”.

En outre, le système mis en place par les lois sur la santé de 2006 et 2008 présente un avantage considérable, en termes de simplification et de centralisation, en ce qu’il permet de traiter simultanément, devant le même organe, le volet “récupération d’indu” et le volet “amende administrative”.

Art. 3

Il convient d’abroger l’article 225, 3°, du Code pénal social.

Concernant les obligations des dispensateurs de soins, ce texte prévoit que sont punis d’une sanction de niveau 2, les praticiens de l’art de guérir, les kinésithérapeutes, les praticiens de l’art infirmier et les auxiliaires paramédicaux qui délivrent une attestation de soins alors qu’il n’est pas satisfait aux dispositions de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 et de ses arrêtés et règlements d’exécution.

Il y a un recoupement partiel au niveau des infractions visées et des personnes visées avec le système mis en place par les lois sur la santé de 2006 et 2008 modifiant la loi coordonnée le 14 juillet 1994.

D’une part, ce type d’infractions est déjà visé et sanctionné selon les dispositions et procédures prévues dans la loi coordonnée le 14 juillet 1994, modifi ée par les lois sur la santé de 2006 et 2008 (notamment: l’article 73bis, alinéa 1er, 2°, et l’article 142, § 1er, 2°).

D’autre part, l’article 225, 3°, du Code pénal social ne vise que la délivrance d’attestations non conformes à la réglementation et, dès lors, a un champ d’application ratione materiae plus restreint que la loi ASSI coordonnée le 14 juillet 1994 en son article 73bis.

Enfin, l’article 225, 3°, susvisé du Code pénal social ne vise qu’une partie des dispensateurs de soins (au sens de l’article 2 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994) et ne vise pas les établissements hospitaliers, les établissements de rééducation fonctionnelle et de réadaptation professionnelle, les autres services et institutions et les dispensateurs de soins “assimilés” au sens de l’article 2, n, de la loi coordonnée le 14 juillet 1994.

Il en résulterait une différence de traitement entre certaines catégories de dispensateurs, les uns pouvant être sanctionnés conformément à l’article 225, 3°, précité du Code pénal social et les autres selon les dispositions de la loi coordonnée le 14 juillet 1994.

L’abrogation de l’article 225, 3°, du Code pénal social ne signifie donc nullement que l’infraction ne peut plus être sanctionnée. Après l’abrogation de cet article, des mesures plus adéquates seront infligées conformément aux articles 73bis, alinéa 1er, 2°, et 142, § 1er, 2°, de la loi coordonnée le 14 juillet 1994.

C. DECISION DE LA CHAMBRE DE RECOURS***

Le code pénal social est entré en vigueur le 1er juillet 2011. En vertu de son article 225, relatif aux obligations des praticiens de l’art de guérir, sont punis d’une sanction de niveau 2, … 3° les praticiens de l’art de guérir … qui délivrent une attestation de soins alors qu’il n’est pas satisfait aux dispositions de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnées le 14 juillet 1994 et ses arrêtés et règlements d’exécution. A propos de cette entrée en vigueur, des questions se posent : le Code s’applique-t-il au cas d’espèce ? Si oui, les faits sont-ils prescrits ? Et dans ce cas, l’INAMI peut-il encore récupérer l’indu ? Il y a lieu d’ordonner une réouverture des débats pour permettre aux parties de s’expliquer sur ces points.
________________
* Question écrite n° 5-3867 du 1 décembre 2011 de Inge Faes (N-VA) à la vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de l’Intégration sociale, réintroduite comme : question écrite 5-4147 (Question posée en néerlandais)
** Proposition de loi modifiant le Code pénal social et la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994 déposée par Servais Verherstraeten et consorts
*** Décision du 19 janvier 2012 du Président de la Chambre de recours Philippe Laurent

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