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Regards corporatistes sur l’affaire du Dr Philippe MULLIER

18 juin, 2011 by Dr R. BOURGUIGNON

Les faits – en tout cas leur version officielle – sont bien connus, car l’affaire a créé un énorme « buzz » sur le net…

Le soir du 31 mai 2011, le docteur Philippe MULLIER, un généraliste d’Estaimpuis – petite localité proche de Mouscron – remplace un de ses confrères en vacances lorsqu’il reçoit un appel téléphonique de Noémie, une patiente qu’il ne connaît pas.

Enceinte, la patiente en question se plaint de lombalgies : le Dr MULLIER se rend alors à son domicile et « délègue » celle qu’il appelle lui-même sa « copine » pour l’examiner et surtout lui administrer une injection IM d’antalgique et de myorelaxant.

La « copine » – une certaine Ingrid – qui ne possède aucun diplôme dans le domaine médical, prend la tension et ausculte cœur et poumons – pour la forme, puisque le Dr MULLIER a déjà, à distance, posé son diagnostic et prescrit le traitement -, puis procède à l’injection IM.

Pendant tout ce temps, le Dr MULLIER reste, épuisé, dans son véhicule garé tout près : « burn out » diront ses amis, « alcoolisme » diront ses détracteurs… toujours est-il qu’à 56 ans, le médecin a déjà subi un triple pontage coronarien.

Cependant, la douleur ne cède pas et la « copine » estime devoir effectuer une seconde IM : ici survient un événement peu glorieux : Ingrid, ne disposant que d’une seule seringue, se met en devoir de récupérer celle-ci dans la poubelle… « Désinfectée » et munie d’une nouvelle aiguille, la seringue peut alors reprendre du service pour la seconde injection !

Pour finir, la « copine » du Dr MULLIER offre une cigarette à la patiente enceinte « pour la détendre », puis la quitte ; celle-ci se rend alors aux urgences de l’hôpital de Mouscron et alerte d’une manière ou d’une autre « les médias ».

Suivent alors des interviews confirmant l’adage selon lequel le silence est d’or : le Dr MULLIER, dont l' »honnêteté naïve » est relevée par les médias, narre par le menu toute l’histoire, expliquant que « les visites ne servent bien souvent à rien », ponctuant son discours de « j’vais dire » – ce qui lui vaudra d’ailleurs le sobriquet de « Dr J’vais dire » -, et accumulant les maladresses.

L’interview passe en prime time au JT de la RTBF où l’on voit le célèbre présentateur François de BRIGODE s’esclaffer en annonçant, après le diffusion de la séquence, que l’Ordre des médecins n’a ouvert aucune instruction… parce qu’il n’a été saisi d’aucune plainte (sic) : encore une communication malheureuse !

Quelques jours plus tard, la ministre démissionnaire ONKELINX est interpellée à la Chambre des députés où elle qualifie l’histoire d' »hallucinante » et digne du film « Bienvenue chez les Ch’tis », ce qui déclenche une nouvelle vague d’indignation : que viennent donc faire les Ch’tis dans cette affaire ? Les Belges de la région – frontalière – de Mouscron se sentent insultés…

Toujours est-il que la ministre demande à son administration de porter plainte au pénal contre le Dr MULLIER et sa « copine » – ils risquent une peine de prison ou à tout le moins une amende – ainsi que de « requérir » l’Ordre des médecins.

Au niveau international, toutes ces séquences télévisées et autres interviews sont placées en vidéo sur des sites, des blogs, des pages Facebook… parfois avec des titres assassins tels que « Philippe Mullier : le pire Médecin du monde » : la Belgique y est une nouvelle fois présentée de manière bouffonne…

Un généraliste qui « déconnecte » de la réalité, une « copine » qui veut l’aider, une patiente qui se laisse faire, l’Ordre des médecins qui ne réagit pas et une ministre qui tient des propos déplacés : voilà résumés les faits, dont on ne sait s’il faut en rire ou en pleurer…

Sur le plan strictement humain et personnel, on relève surtout une chose : l’amour que Philippe MULLIER porte à celle qu’il appelle curieusement « ma copine » – en réalité sa partenaire de vie depuis à peine un an au moment des faits* -, à qui il estime devoir reconnaissance (« Si je suis encore en vie, c’est grâce à elle ») et qu’il veut donc, par-dessus tout, protéger.

L’apparente sincérité de ce médecin est aussi remarquable : dans un monde où la ruse et l’hypocrisie deviennent la norme, il est agréable de voir un homme suffisamment honnête pour évoquer lui-même ses erreurs, sans travestir sa pensée… ce n’est pas fréquent.

Si l’on considère que beaucoup appellent de leurs vœux une médecine plus humaine, de proximité, l’aventure du Dr MULLIER et de sa « copine » prend, réduite à sa plus simple expression et malgré son caractère indéniablement fautif, un tour plus sympathique : des êtres humains ont essayé d’aider un autre être humain…

Mais ce qui choque, c’est le mépris quasi caricatural des règles : l’apathie du généraliste appelé en consultation, le diagnostic et la prescription à distance, l’envoi délibéré d’une personne dépourvue de la moindre formation médicale et qui « joue au docteur » en administrant des injections à une patiente enceinte, à l’aide d’une seringue récupérée dans la poubelle.

Dans les milieux médicaux, l’on fait des gorges chaudes du fameux « burn out » ou syndrome d’épuisement professionnel, lequel semble effectivement plus fréquent chez les généralistes que chez les spécialistes.

C’est un peu facile : le généraliste est parfois terriblement individualiste et indiscipliné. Pratiquant solo, il rejette souvent la collaboration avec ses confrères, surtout avec les spécialistes plus qualifiés (le rejet des TDS diabète par certains MG wallons – et singulièrement liégeois – illustre bien cette tendance à s’isoler avec ses patients).

Ces difficultés relationnelles peuvent, comme le montre l’histoire du Dr MULLIER, se traduire par une perte de contact avec la norme : si le Dr MULLIER admet avoir commis une erreur sur le plan juridique, il est en revanche absolument convaincu d’avoir raison sur le plan médical !

Quant au plan de la déontologie, Philippe MULLIER n’y fait jamais allusion, si ce n’est pour dire que s’il est sanctionné par l’Ordre des médecins, il arrêtera de pratiquer.

Burn out, alcool**, pathologie coronarienne, isolement professionnel, lassitude… et « copine » (soi-disant) naïve : telles sont les causes apparentes de cette malheureuse affaire, même si c’est l’incapacité du Dr MULLIER à communiquer – et surtout à voir les règles établies par la société autrement que selon sa propre perspective – qui l’a rendue si éminemment « médiatique ».

Pour autant, Philippe MULLIER n’est ni un mauvais médecin, ni un homme méprisable…

Mais il existe une autre explication : le Dr MULLIER ne chercherait-il pas – par amour – à « couvrir » sa « copine » en endossant la responsabilité du diagnostic et du traitement, puis en cautionnant les actes médicaux posés par celle-ci (« J’pouvais rien faire de mieux ») ?

En effet, lorsqu’on écoute attentivement les déclarations d’Ingrid, on se rend compte que c’est elle – et non le Dr MULLIER – qui répond à l’appel de Noémie…

A-t-on jamais vu un médecin se contenter de se garer devant le domicile de ses patients pour ensuite piquer un somme ? Et depuis quand un médecin généraliste rédige-t-il une prescription pour un antalgique contenu dans sa trousse d’urgence ?

Alors, toute cette histoire de « burn out » ne serait-elle en définitive qu’une invention du Dr MULLIER destinée à disculper autant que possible Ingrid, la « copine » tant aimée ? Sa « sincérité naïve », sa manière presque touchante de reconnaître son erreur ne viseraient-elles pas à atténuer la faute d’Ingrid en « encadrant » médicalement son geste de profane ?

Si tel était le cas, le mensonge du couple aura transformé un fait divers somme toute assez banal – une femme qui joue à l’infirmière parce qu’elle vit avec un médecin – en événement médiatique majeur, mille fois plus « hallucinant » que celui qu’il était censé dissimuler… mais dans laquelle le Dr MULLIER, en véritable arroseur arrosé, est cette fois personnellement impliqué jusqu’au cou ès qualités de médecin.

Quant aux « docteurs pour docteurs », à savoir des personnes ou des organismes capables d’écouter et de motiver les médecins en « burn out », ceux-ci ne manquent pas : simplement, certains MG ne se sont jamais souciés d’y faire appel !
_______________
* Le 19 juin 2011, sur le plateau de l’émission Controverse, la fameuse Ingrid – laquelle serait, selon certains témoignages, une ancienne prostituée (sic) – développe une version diamétralement opposée à celle de ses premières déclarations et affirme notamment que Noémie n’était pas enceinte, qu’elles se connaissent bien, que sa liaison avec le Dr MULLIER a pris fin en février 2011, mais… qu’elle continue néanmoins à vivre avec lui !
** Il existe un témoignage publié d’une infirmière à ce sujet… la consommation d’alcool constituerait au demeurant un excellent indicateur du degré de burn out du médecin.

One Response

  1. Delsate Dominique

    Quoi qu’il en soit, la patiente porte plainte pour quel motif ? pour quelle lésion ? pour le principe uniquement ? Une intramusculaire est-elle l’apanage du médecin ? Parfois des patients se font injecter chaque jour un AINS en IM par une voisin(e) compétent(e) non diplomé(e)…ou par un(e) étudiant(e) en médecine , non diplomé(e) non plus …allons-nous les assigner en justice ? Quel monde malsain de médias avide de scandales ! La « Société » paranoïaque et narcissique demande « tout » à la Médecine idéalisée et médiatisée comme toute-puissante et sans aucun droit à l’écart même inoffensif, en oubliant que ses exécutants ne sont aussi que des hommes et des femmes qui ont droit à leurs faiblesses ! Si Ordre ou Ministère ou Justice condamnent le confrère Mullier, quelle hypocrisie malsaine et écœurante, dans ce monde ou il reste guère de sincérité ni d’honnêteté naïve !

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