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SECM : tous les coups sont-ils permis ?

27 avril, 2011 by Dr R. BOURGUIGNON

Nous avons vu qu’en 2007 un inspecteur du SECM n’a pas hésité à ajouter dans un procès-verbal d’audition (PVA) quelques lignes accablantes pour le prestataire, après le départ du témoin : il lui suffisait d’écrire au verso du texte signé par le témoin… Lire : Comment l’inspecteur du SECM fabriquait de faux PV d’audition

Nous avons aussi vu comment en 2009 le médecin-inspecteur qui soutenait devant la Chambre de première instance (CPI) l’accusation contre un radiologue en vint, à bout d’arguments à tutoyer en pleine audience l’un des assesseurs (mutualistes) pour lui demander son aide. Lire : Sur l’impartialité des juridictions administratives de l’INAMI…

Plus récemment, en 2010, nous avons vu qu’un Service provincial du SECM n’a pas hésité… à retirer une pièce essentielle d’un dossier d’enquête, si bien que lorsque le conseil du prestataire se présentait au greffe pour prendre connaissance du dossier, il trouvait… une page blanche ! Lire : Une pièce « retirée d’un dossier » au greffe du SECM !

Mais ces procédés déloyaux sont-ils l’apanage des strates inférieures du SECM ou constituent-ils une manière d’être quasi-généralisée ?

L’exemple suivant donnerait à penser que cela remonte fort haut et que même devant la Chambre de recours (CR), présidée par un magistrat de haut rang, le SECM tente de gagner à tous les coups…

Le texte ci-dessous est un extrait des conclusions additionnelles déposées pour un dentiste qui s’était vu taxer par le SECM d’une extraordinaire extrapolation* : sur base d’une sélection de patients prétendument aléatoire, le SECM avait extrapolé l’indu à l’ensemble du profil !

Cette sélection n’avait en effet rien d’aléatoire : non seulement le SECM n’y avait incorporé que les cas a priori les plus suspects, mais en outre – et c’est une horreur sur le plan statistique – il avait celé les cas « réguliers », si bien que l’échantillon n’était aucunement représentatif de la patientèle.

Evidemment, le SECM avait tenté de faire obstacle au dépôt de ces conclusions en écrivant au président de la CR et avait en tout état de cause exigé un droit de réplique.

Malgré ce tir de barrage, le président fit droit à la requête du prestataire et le SECM ne répondit jamais à ces conclusions additionnelles : c’était d’ailleurs ce qu’il avait de mieux à faire…

Dans le texte qui suit, les termes « requérant » ou « concluant » désignent le praticien qui a relevé appel de la décision de la CPI tandis que l' »intimée » – à savoir la partie défenderesse en appel – renvoie au SECM.

C.  NATURE DES CONSIDERATIONS STATISTIQUES EMISES PAR L’INTIMEE

Le concluant demande inlassablement qu’un statisticien désigné par la CR vienne éclairer la discussion…

Il a formulé cette demande à l’audience du 1er octobre 2009 devant la CPI, puis dans sa requête d’appel, puis dans sa requête en désignation d’un expert déposée le 6 mai 2010, puis encore dans ses conclusions principales.

L’intimée s’est systématiquement opposée à toutes et chacune de ces demandes… jusqu’au jour où, le concluant n’ayant en principe plus le droit de conclure, elle a incorporé dans ses conclusions additionnelles des considérations très techniques qui traduisent manifestement le recours à un statisticien[1].

Cependant, ce texte – incorporé tel quel dans les conclusions additionnelles de l’intimée – ne saurait être considéré comme un rapport indépendant :

a) on n’en connaît ni l’auteur ni la date… ni même les limites exactes ;

b) le statisticien qui a aidé le SECM n’a pas entendu le concluant ni son conseil : ceux-ci n’ont donc pu faire valoir leurs arguments ;

c) ce texte ne discute aucunement les deux thèses en présence : il vise uniquement à aider l’intimée ;

d) dans l’échange de correspondance entre le SECM et ce statisticien, le SECM a manifestement révélé certains aspects de sa propre méthodologie, lesquels ont ensuite été repris tels quels par le statisticien, puis réinjectés par le SECM dans ses conclusions additionnelles ;

Ainsi sait-on à présent que des cas dits « réguliers » n’ont pas été incorporés dans la base de calcul du coefficient d’extrapolation et, d’autre part, que la sélection ne fut pas le fruit du hasard.

D.  CRITIQUE DE LA METHODOLOGIE STATISTIQUE DE L’INTIMEE

1. Les cas « réguliers » ont été exclus de la base de calcul du coefficient d’extrapolation

A la page 5/8 de ses conclusions additionnelles, le SECM écrit :

« …il faut sans doute admettre que tous les cas contrôlés ne s’étant pas avérés infractionnels … il se peut que le prestataire et son conseil aient une perception tronquée de la sélection qui fut effectivement réalisée puisque les cas réguliers n’apparaissent pas au terme de l’enquête car non retenus à grief. »

La notion de « cas » est bien définie à la même page 5/8 comme étant un patient (et non une « prestation »).

Le SECM reconnaît donc – en conclusions – que les patients chez qui ses inspecteurs n’ont pu mettre en évidence le moindre manquement ont tout simplement été exclus de la sélection « au terme de l’enquête ».

Evidemment, cela fausse complètement le coefficient d’extrapolation, puisque la sélection ne comporte plus que les cas « infractionnels », à l’exclusion de tous les cas « réguliers ».

2. La sélection des cas n’est pas le fruit du hasard

A la page 4/54 de sa Note de synthèse (« Méthodologie de l’enquête »), le SECM écrit :

« Ces cas ont été sélectionnés de manière aléatoire parmi les critères suivants : »

Et à la page 6/8 de ses conclusions additionnelles :

« La partie intimée est également d’avis, comme l’expert statisticienne, que sur un plan théorique, dans l’idéal, un échantillon doit être sélectionné de manière aléatoire … »

Cependant, à la page 5/8 de ses conclusions additionnelles, le SECM reconnaît que la sélection n’est aucunement aléatoire (= le fruit du hasard), mais bien le résultat d’une sorte de dosage arbitraire – et donc subjectif – entre les cas légers et lourds, et ce sans que l’on connaisse le critère séparant les premiers des seconds, ni même les « proportions » des uns et des autres :

« … il était tout à fait rationnel et pertinent d’un point de vue statistique (sic) d’inclure dans cette sélection une proportion comparable, c’est-à-dire élevée, d’assurés ayant un nombre élevé de prestations attestées. »

Il est ainsi démontré que, contrairement à ce qu’il prétendait initialement, le SECM n’a pas sélectionné des patients au hasard, mais qu’il a – au contraire – choisi arbitrairement les cas qu’il incorporait dans l’enquête.

Or, tous les tests statistiques permettant d’estimer les paramètres d’une population (en l’occurrence la patientèle du requérant) sur base d’un petit échantillon de cette population reposent sur un pré-requis absolument indispensable : la sélection doit être le fruit du hasard (elle doit être « aléatoire ») et non le choix – forcément subjectif – de l’homme !

Il est donc établi que le SECM a menti sur ce point fondamental.

3. Conséquence de 1 et 2 supra : l’extrapolation est complètement faussée

Ainsi se trouve confirmé ce que le requérant répète inlassablement depuis sa première audition en 2008 : la sélection opérée par le SECM est complètement biaisée.

En n’incorporant pas les cas réguliers dans les tableaux finaux de l’enquête – fait avoué en conclusions – et en mentant à propos du caractère aléatoire de la sélection, le SECM fausse gravement, au préjudice du requérant, le coefficient d’extrapolation.

En effet, le coefficient d’extrapolation – qui a du reste varié à pas moins de trois reprises au cours de l’enquête ( ! ) – traduit le rapport des prestations reprochées sur le total des prestations vérifiées.

En diminuant d’une part le nombre total de prestations (en n’incluant pas les « cas réguliers » dans les tableaux finaux de l’enquête) et en manipulant d’autre part l’échantillonnage (présenté comme « aléatoire » mais en réalité opéré arbitrairement parmi les cas les plus suspects), le SECM fausse complètement ce rapport.

Ce biais joue évidemment au détriment du requérant, puisque le coefficient d’extrapolation détermine tant la hauteur de l’indu proprement dit que celle des amendes administratives calculées sur sa base.

4. Les calculs fantaisistes de l’intimée

En outre, à la page 4/8 de ses conclusions additionnelles, le SECM affirme sans vergogne que le requérant – qui est un dentiste important dans sa région – verrait… « moins de deux patients en moyenne par jour » (sic) !

Cette affirmation nouvelle et totalement fausse découle de calculs fantaisistes : le SECM perd tout simplement de vue que la plupart des soins ne se font pas massivement, en une fois, mais qu’ils nécessitent plusieurs étapes ou séances.

Ainsi, la confection d’une prothèse requérait à l’époque pas moins de six étapes, une obturation canalaire deux ou trois, etc.

Et surtout, les patients présentant plusieurs caries – qu’il s’agisse de caries de novo ou de récidives – ne les ont pas toutes fait soigner le même jour, ce qui aurait impliqué des séances de soins de plusieurs heures dont ils seraient sortis sur les genoux !

Si donc le concluant avait – au mépris de toutes les règles médicales et administratives – regroupé tous les soins et toutes les étapes de ces soins le même jour pour un patient déterminé, il n’aurait peut-être vu que deux patients par jour… mais ses journées auraient été tout aussi occupées, puisque sa masse globale de travail dentaire serait restée identique !

[1] Sans doute une connaissance du Service des soins de santé de l’INAMI.
__________________
* Le coefficient d’extrapolation, ici exprimé sous la forme d’un pourcentage, représente la proportion de l’indu (en valeur) déterminée au sein de la sélection – les statisticiens parleront de l’« échantillon » – de patients.

Ce coefficient est ensuite appliqué à la patientèle du dispensateur – les statisticiens parleront de « population ».

L’importance d’une détermination rigoureuse d’un tel coefficient saute aux yeux : s’il est mal calculé, l’erreur est multipliée par un facteur considérable.

Ainsi, un coefficient d’extrapolation de 30% appliqué à un profil de 200.000 euros donne un indu de 60.000 euros, tandis qu’un coefficient de 40% entraîne un indu de 80.000 : la différence initiale assez faible (40 – 30 = 10) se traduit par une différence de 20.000 euros !

Il est évident que si l’on intègre les amendes administratives, l’écart est encore plus grand.

D’où provient ce coefficient d’extrapolation ?

Il peut, dans certains cas, émaner des aveux du dispensateur : si un médecin reconnaît ne pas avoir réalisé 20% des visites à domicile qu’il a attestées, ce nombre est le coefficient d’extrapolation : 20% des VAD sont indues.

Cependant, dans l’affaire en question, le SECM a – officiellement du moins – procédé à une sélection aléatoire de patients – condition sine qua non pour qu’un petit échantillon soit représentatif avec une probabilité suffisante, mais non totale (95%) – et a ensuite calculé le rapport :

———————-Actes rejetés en valeur/Total des actes de la sélection en valeur

Il « suffit » ensuite d’appliquer ce rapport ou ce coefficient au profil pour obtenir l’indu théorique total (avec une probabilité de 95%).

Cette méthode suppose néanmoins le respect de règles statistiques très strictes :

a) s’agissant d’un petit échantillon (30 patients ou « cas »), celui-ci doit impérativement être le fruit du hasard : le SECM ne peut pas « choisir » les cas qui lui conviennent et délaisser les autres !

b) la population (ou la patientèle) doit impérativement être homogène au regard du paramètre estimé[1] ;

c) si la population n’est pas homogène, il faut « stratifier » l’échantillon, ce qui rend l’intervention d’un (bio)statisticien indispensable, car la technique est assez complexe ;

Ainsi, dans ce dossier, on trouvait un mélange d’enfants avec des dents de lait, de patients âgés porteurs de prothèses[2] partielles ou totales, de consultations, de radiographies, de cas « légers » du point de vue des obturations et de cas « lourds », notamment des primo-arrivants ne parlant pas un mot de français et profitant de leur arrivée en Belgique pour se faire refaire la denture…

Ces cas « lourds » sont évidemment les plus « suspects » d’un point de vue policier : il est naturel que le SECM pense qu’en théorie un fraudeur va préférer rajouter des prestations fictives chez un patient qui présente de nombreuses obturations plutôt que chez un patient presque sain.

Cependant, en choisissant de surpondérer ces cas, « lourds », le SECM faussait complètement les résultats de l’enquête.

S’il avait voulu obtenir des résultats extrapolables[3], le SECM aurait dû faire appel à un biostatisticien dès le commencement de son étude : il s’agit en effet d’un travail de professionnel, requérant une compétence que tant le médecin-directeur que le juriste du SECM ont avoué ne pas posséder.

[1] Ainsi, il ne serait pas sérieux de réaliser une enquête visant à déterminer la fréquence moyenne des relations sexuelles des Belges réalisée auprès d’un échantillon composé seulement de 30 Belges âgés de zéro à 99 ans choisis au hasard, sans stratifier selon l’âge !

L’estimation réalisée au départ d’une sélection aléatoire simple de cette nature serait complètement faussée en raison de l’importance de deux groupes de Belges n’ayant en principe aucune relation sexuelle : les enfants et les vieillards.

Il est ainsi parfaitement possible que, sur un petit échantillon (p.ex. une trentaine de personnes), le hasard désigne une majorité de Belges en-dessous de 13 ans ou au-delà de 75 ans : on aboutirait alors à une estimation de la fréquence moyenne des rapports sexuels des Belges proche du néant et ne reflétant aucunement la réalité.

Il faut par conséquent décomposer la population belge en autant de « strates » qu’il existe de couches de population dont on a des raisons de penser qu’elles constituent des sous-ensembles homogènes au regard du paramètre testé : dans l’exemple évoqué, les enfants et les vieillards constituent manifestement une strate à part.

[2] Et qui n’auront par conséquent plus besoin d’obturations…

[3] Et encore… avec une probabilité de 95% !

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