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Connaissez-vous @dvice ?

22 mai, 2010 by Dr R. BOURGUIGNON

@dvice est un projet de « plateforme » destiné à permettre au médecin d’informer directement son patient sur les médicaments prescrits, via Internet (ou via des SMS), en vue d’améliorer l’adhérence au traitement (ouf!).

L’initiateur de ce concept très innovant, Francis BRIES (Challenger), explique qu’il est scientifiquement prouvé que plus le patient est informé au sujet de son traitement, mieux il le suit.

En principe, chaque acteur devrait trouver son avantage avec @dvice : Big Pharma pourra contourner l’interdiction légale d’adresser au public l' »information » (lisez : la publicité) sur ses médicaments soumis à prescription, le médecin prescripteur ne devra plus passer son temps à expliquer les divers aspects pharmacologiques des médicaments qu’il prescrit… et le patient sera en définitive gagnant, puisqu’il observera mieux son traitement.

Mais, dans la pratique, comment les choses vont-elles se passer ?

Le lien théorique entre information et adhérence au traitement ne nous paraît pas pouvoir être transposé sans nuance au terrain, encore moins s’il est question de courriels ou de SMS envoyés plus ou moins « automatiquement » du médecin à son patient.

Le médecin va-t-il accepter de se dépouiller de son aura de sorcier – laquelle suppose un certain mystère ? Va-t-il encourager le partage du savoir en matière de médicaments quand Internet favorise déjà l’irritant dialogue d’égal à égal : « Mais Docteur, j’ai pourtant lu sur le web que… » ? Le patient ne sera-t-il pas effrayé par la lecture d’effets secondaires… effrayants ? La notice publique* ne suffit-elle pas ? N’est-on pas en train de mécaniser l’art de guérir ? Imagine-t-on réellement un patient recevant des années durant quatre SMS par jour pour lui rappeler la prise de ses médicaments ? Big Pharma suivra-t-il avec ses (juteux) budgets à l’heure des restrictions et donc des choix ? L' »information » mise à disposition dans le « système » étant payante, elle ne sera par définition pas complète et encore moins impartiale… Et, question plus fondamentale, l’Etat fermera-t-il les yeux ?

Il y a dans le projet @dvice une finalité officielle – améliorer l’observance du traitement – et un but inavoué : faire diffuser par les médecins une forme novatrice de publicité pour les médicaments auprès des patients. Il s’agit donc d’un produit à double face et trois niveaux : à l’étage noble, deux acteurs actifs mais discrets (la société propriétaire d’@dvice et Big Pharma) tirent les ficelles, quand au rez-de-chaussée on trouve des acteurs mi-actifs, mi-manipulés (les médecins prescripteurs), puis au sous-sol l’armée des marionnettes (les patients).

On nous rétorquera non sans raison que telle est déjà l’organisation hiérarchique du « marketing pharmaceutique », mais ici la différence – et elle est de taille – réside dans l’extraordinaire possibilité de mécanisation de la relation médecin-malade, et donc de robotisation de ce dernier ! A moins qu’à l’extrême opposé on assiste – Internet aidant – à une libération du patient, voire à une jacquerie des patients.

Et nous n’avons même pas abordé la question du prix public des médicaments vantés par le système @dvice : le patient tolérera-t-il que le médecin s’arroge le droit non seulement de prescrire une spécialité chère quand existent copies et génériques, mais surtout de se livrer à une forme de bourrage de crâne afin de le maintenir – lui, le patient – dans la cherté ?

Quant au médecin, corseté par les quotas de « prescriptions bon marché », comment réagira-t-il par rapport à une « plateforme » censément** destinée à promouvoir des médicaments chers, ou plus exactement à le transformer – lui, le médecin – en propagandiste de ces médicaments chers auprès de ses patients quand la récession impose la modération ?

D’autre part, téléguider à coups de SMS le patient dans sa consommation de médicaments rappelle furieusement l’usage que certains veulent faire de la fonction de géolocalisation des mobilophones en matière de commerce de proximité.

Bref, un peu comme à la Bourse aujourd’hui, nul ne peut prévoir l’enchaînement futur des événements : tout devient possible dans un tel contexte !

Lorsqu’un concept foncièrement commercial est habillé en concept social – voire en l’occurrence carrément médical – il faut toujours faire attention : pour qu’il fonctionne, l’interdépendance entre les intérêts commerciaux et les intérêts sociaux doit être parfaite. Et cette perfection est rarement atteinte.

Des produits-concepts comme le chèque-repas ne voient pas fréquemment le jour : tant de « prérequis » existent, tant de subtils réglages ou de délicats dosages sont nécessaires afin que « la mayonnaise prenne » que le lancement de ces produits relève plus de l’alchimie que du marketing rationnel. Et le taux de casse est important !

@dvice est-il une sorte de Facebook ou de Twitter médical ? Existe-t-il dans d’autres pays ? Si le concept réussit, sera-t-il copié et par qui ? Ce rôle ne reviendrait-il pas de droit aux mutuelles*** depuis la modification fin 2006 de la loi SSI ?

On n’en finit pas de se poser des questions à propos de ce projet-paquebot qui a au moins le mérite de faire avancer la réflexion sur l’utilisation d’Internet dans les relations entre médecins et malades… et firmes pharmaceutiques.

Peut-être s’attaque-t-on avec @dvice à trop de certitudes à la fois… mais il faut toujours saluer le courage de l’innovateur !
______________
* « Simplifier » une notice scientifique pour en tirer une notice publique est un exercice diaboliquement compliqué : qu’en sera-t-il du reste de la communication @dvice destinée au patient ?
** On peut légitimement penser que les produits qui seront intégrés dans le système ou la base de données @dvice seront ceux qui pourront se le permettre en raison de leur marge ; certes, copies et génériques font l’objet de nombreuses annonces-presse à présent, mais ces publicités ne possèdent pas le degré de sophistication requis par un système de communication télématique entre médecins et patients…
*** Curieusement, une mutuelle semble cautionner ce projet visant – dans sa version actuelle – à pousser à la consommation de médicaments : sans doute ne s’est-elle pas rendu compte de ce qu’il y avait derrière !

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